Le Monde - Un jour sans fin, à la section P12

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Par Jean-Baptiste de Montvalon

Dans la "souricière", où les détenus transitent vers le Palais de justice de Paris. FLAIR PROD

En immersion au Palais de justice de Paris, dans le département consacré aux flagrants délits (dimanche 21 juin à 20 h 30 sur LCP).

Des faits au verdict, le chemin ici est bref. Interpellation, garde à vue, notification des charges, comparution dans la journée devant le tribunal… A la section P12 du parquet de Paris, consacrée au traitement des flagrants délits, la justice tourne à plein régime. Les dossiers s’accumulent, il faut parer au plus pressé. Alors les mots sont comptés. Les prévenus passent des mains du représentant du parquet à celles de leur avocat, souvent commis d’office, pour de rapides entretiens.

Habitués des lieux

C’est cette course contre la montre, prélude au passage devant le tribunal en comparution immédiate, que Cyril Denvers a obtenu le droit de filmer. Pendant plusieurs semaines, le réalisateur a plus particulièrement suivi le sort qui était réservé aux récidivistes. Son documentaire, sous-titré Chroniques de la délinquance ordinaire (et dont la première diffusion, sur France 2, remonte à novembre 2011), nous permet de découvrir ces habitués des lieux, qui représentent près d’un tiers des prévenus. Au rythme de la section P12, ce ne sont pas des portraits fouillés. Loin de là. « Monsieur T. », « Mademoiselle V. », « Monsieur M. » et les quelques autres qui ont accepté d’être filmés sont d’abord des visages, que l’on se surprend à scruter comme pour y chercher des indices. Saisis en ces lieux, ils ont triste mine. La fatigue et le désarroi s’y lisent, parfois la détresse, en dépit de quelques regards bravaches.

Ils sont une demi-douzaine, âgés de 22 ans à 49 ans, et ont tous accumulé les infractions. Déjà sept condamnations pour le plus jeune, « Monsieur T. », de nouveau poursuivi pour tentative de vol en réunion. La plus âgée, « Madame D. », va être condamnée à deux mois de prison ferme pour conduite sans permis : c’est la quatrième fois qu’elle est déférée au tribunal pour des faits identiques.

« La voiture-balai »

Les défendre n’est pas simple. Eux-mêmes ne savent pas trop quoi dire. « Je suis quelqu’un de bien, dans le fond. Je ne suis pas un méchant. C’est les conséquences de mon passé », dit « Monsieur M. », 24 ans, condamné pour la ­première fois à l’âge de 17 ans, au sortir d’un séjour dans un centre éducatif renforcé. « La justice, c’est essayer de juger à la fois l’acte et l’homme. Or, ce que nous proposent les comparutions immédiates, c’est uniquement de juger l’acte », déplore Serge Portelli, ­vice-président au tribunal de ­Paris.

Dans cet alphabet-là, certaines lettres ne semblent pas à leur place : ainsi « Mademoiselle N. » , 27 ans, poursuivie pour vol à la tire, totalement incapable d’expliquer son geste ; ou « Monsieur X. », condamné pour violences à de la prison ferme alors que des experts ont décelé en lui un « trouble psychique de nature à altérer son discernement ».

C’est un homme réputé proche du pouvoir, Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation, qui le souligne : « La justice est la voiture-balai de beaucoup d’échecs. »

Récidivistes : chroniques de la délinquance ordinaire, de Cyril Denvers (France, 2011, 65 min). Dimanche 21 juin à 20 h 30 sur LCP.

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